Une organisation responsable : un risque ou un avantage

On assimile trop rapidement responsabilité et culpabilité, surtout pour celles et ceux qui ont assistés médusés et scandalisés à cette pirouette sémantique lors de l’affaire du sang contaminé « Responsable mais pas Coupable ».

La judiciarisation de notre société n’arrange rien puisque chaque responsabilité présumée est facilement portée devant les tribunaux. A quoi s’ajoute la puissance des réseaux sociaux, capables de déclarer coupable n’importe quel individu ou organisation mis en cause et de lui appliquer automatiquement des sanctions d’une extrême brutalité.

Se sentir responsable, en adopter la posture et en admettre les conséquences constituent cependant l’un des fondements moraux les plus nobles.

Un blog organisationnel n’est pas la bonne tribune pour traiter de ces questions morales et politiques mais différentes remarques suite à notre webinar invitent à quelques éclaircissements.

La justice identifie la responsabilité d’une personne physique ou morale et sanctionne ses agissements si ceux-ci ont causé des dommages. Sont alors discutées, selon le domaine, la connaissance et l’intention. Le responsable avait-il connaissance que son acte pouvait avoir des conséquences dommageables ? Quelles étaient ses intentions ? Envisagée dans le cadre juridique, la responsabilité est effectivement liée à la culpabilité. Cela signifie que si on adopte une vision purement juridique, il est nécessaire de s’exonérer de toute responsabilité afin d’éviter toute mise en cause.

Telle n’est pas la vision organisationnelle. Elle est peut-être même tout à fait opposée.

Une organisation, entreprise administration ou association, exerce et organise une activité qui a des répercussions sur ceux qui y travaillent et sur ceux qui profitent de son service. A ce titre, elle a des responsabilités.

Cette responsabilité se conçoit donc comme le fait d’admettre que certains comportements ou certains processus sciemment mis en place, ont des conséquences multiples, parfois différentes de celles qui étaient attendues. La faute est de le nier ou de n’y prêter qu’une attention toute relative. La faute consiste aussi à s’obstiner à réfléchir dans un cadre qui n’est plus le bon au lieu d’en sortir pour entendre d’autres voix et pour observer les situations à partir d’autres points de vue.

Prenons l’exemple de la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Il semble évident que cette reconnaissance aboutit directement à mettre en cause l’entreprise.

Ecoutons maintenant ce qu’en disent les victimes du burn-out. Elles racontent que la souffrance psychologique est d’autant pus insupportable si elles se retrouvent seules à porter la responsabilité de l’apparition et du développement de la maladie. Or l’un des éléments qui a suscité un engagement toxique au travail est un sentiment de culpabilité de ne pas faire suffisamment bien. Quand elles s’écroulent et prennent conscience des souffrances qu’elles ont aussi infligées à leur entourage, l’idée qu’elles en sont seules responsables s’ajoute à cette première culpabilité. Il est alors quasi impossible de retrouver le cercle vertueux de la guérison.

Afin d’alléger les souffrances et surtout de guérir, le partage des responsabilités est indispensable. Il passe par une reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle.

Plutôt que d’adopter un point de vue purement juridique qui amène à considérer cette reconnaissance comme un aveu rétrospectif de culpabilité, adoptons le point de vue des victimes et considérons cette reconnaissance comme la participation au soin et à la guérison des victimes.

Se pose la question du recours des victimes devant la justice, armées de cette reconnaissance. Ce serait considérer le juge et le législateur comme des machines incapables d’appréhender l’intention de l’entreprise. Or l’intention est justement un élément juridique qui fonde leurs décisions. Le juge ne peut donc être sourd à l’argument selon lequel l’entreprise accède à la demande de la victime, partage son point de vue et admet sa responsabilité dans sa capacité à contribuer à la guérison. Fort de cette intentionnalité louable, clairement exposée, ses précédents comportements et choix organisationnels seront interprétés à l’aune des mêmes intentions louables.

Cette posture n’est pas une fiction ou un vœu pieux. C’est le quotidien des organisations qui rencontrent un évènement inattendu. Cela consiste à lire l’avenir en lui donnant un sens nouveau, s’inspirant de points de vue différents et éclairant ces nouveaux choix des intentions implicites déjà inscrites dans l’histoire de l’entreprise.

Il ne s’agit donc pas d’être Responsable mais pas Coupable, mais d’être responsable de bout en bout, des décisions que l’on prend, des intentions qui guident ces choix et surtout, responsable du progrès que l’on peut apporter.

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