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06 avril 2022
par Benjamin Stanislas
Président du Groupe Dièdre

Le management Agile et ses conséquences psycho-sociales

Le management agile est né dans les années 90’ aux Etats-Unis, afin de lutter contre la désindustrialisation, notamment du secteur de la Défense. Ce concept et les méthodes associées ont pour objectif de permettre à l’entreprise d’aller au-delà de ses capacités d’adaptation.

Si elles n’ont pas attendu les méthodes agiles pour s’adapter, la nouveauté tient au fait que grâce à ces méthodes, l’entreprise peut prendre d’autres formes selon le contexte, adopter rapidement d’autres organisations du travail ; ceci afin de répondre à un environnement particulièrement turbulent.

On est plus dans l’adaptation mais dans l’accroissement de l’adaptabilité[1].

Même si c’est parfois une réussite, les méthodes agiles posent au moins deux problèmes, lesquels conduisent à l’apparition de troubles psycho-sociaux :

  1. La méthode permet de changer d’organisation rapidement mais n’offre pas pour autant les outils nécessaires à ces changements. Les travailleurs ne sont pas formés à travailler différemment, l’organisation n’a pas encore les ressources nécessaires à leur fournir, etc. Ici, il ne faut pas confondre une formation aux méthodes agiles et des formations à de nouvelles technologies proposées/imposées par le marché et que l’agilité enjoint d’adopter.
  2. L’agilité est une méthode utile dans certains cas mais pas dans tous. Une méthode est un parcours, pas une identité. Or, nombre d’entreprises adoptent les méthodes agiles comme si elles s’imposaient d’elle-même ; comme une idéologie.

L’enjeu des ressources et des formations n’est pas anodin. Le problème ne réside pas dans un timing déficient, entre le moment où l’ordre est donné et le moment où les ressources seront disponibles. L’absence de ressources et des savoirs nécessaires fait que le rôle proposé au travailleur n’est pas assumable. En conséquence, c’est toute son identité professionnelle qui en est affectée[2], et plus précisément la D.I.G.A : Dynamique Identitaire Globale de l’Acteur, concept forgé par Jean-Claude Sardas, Co-directeur de l’Ecole doctorale : Economie, Organisations, Société, de l’Ecole des mines de Paris.

Ce sentiment est renforcé par le fait que la méthode est érigée en idéologie, prescriptive et indiscutable. Toutes les injonctions qui en découlent constituent une emprise de l’organisation sur le salarié, à la façon dont une idéologie organise la fusion des membres avec le groupe (cf. notamment l’article sur La Fabrique du Burn-out).

Ces mécanismes sont particulièrement bien analysés par Olivier Simha[3], chercheur en gestion à l’ESCP, qui interviendra dans nos webinars.

Un dernier aspect renforce la légitimité quasi-absolue des méthodes agiles, il s’agit de l’objectif d’adaptabilité. La philosophe Barbara Stiegler[4] raconte la genèse de l’injonction à s’adapter et la dénonce avec force comme étant l’expression parfaite du néo-libéralisme.

En nous appuyant sur son analyse, nous pouvons admettre que les méthodes agiles accroissant notre adaptabilité, elles apparaissent comme la panacée du monde professionnel moderne. Leur légitimité s’en trouve renforcée.

L’agilité, avec un « a » minuscule est donc une méthode, qu’il est probablement intéressant d’expérimenter, pour reprendre le terme que la philosophe emprunte à John Dewey. Cette expérimentation devrait se faire au travers des retours d’expérience de ceux qui les utilisent, pas seulement de ceux qui en attendent des performances.

En aucun cas, elle ne peut être érigée en idéologie, au risque d’avoir des effets psycho-sociaux dévastateurs, qu’on observe déjà souvent.

[1] https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Frederic-Frery-Les-entreprises-doivent-elles-etre-forcement-agiles-_3750228.html?utm_source=sendinblue&utm_campaign=XC040422&utm_medium=email

[2] Sardas, Jean-Claude, Cédric Dalmasso, et Philippe Lefebvre. « Les enjeux psychosociaux de la santé au travail. Des modèles d’analyse à l’action sur l’organisation », Revue française de gestion, vol. 214, no. 5, 2011, pp. 69-88.

[3] https://www.strategie-aims.com/events/conferences/31-xxixeme-conference-de-l-aims/communications/5635-dynamique-identitaires-d-acteurs-projetes-dans-une-organisation-adoptant-les-methodes-agiles

[4] Barbara Stiegler « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique. NRF Gallimard, 2019.

2022-05-12T19:48:00+00:00